Et si vous tombiez le masque

Voici la traduction d’un texte de Barry Long, qui vise à démasquer l’imposture de la personnalité. Selon lui, nous nous prenons pour qui nous ne sommes pas, et nous souffrons de ne pas être nous-mêmes. Il n’a peut-être pas tout-à-fait tort…  🙂

Ce texte court illustre d’une autre manière le mythe de la caverne de Platon, qui campe déjà fort bien le décor du coaching.

Découvrons tout d’abord ce texte, avant de partager quelques commentaires à son propos, en lien avec le coaching et la supervision systémique…

DÉMASQUER L’IMPOSTURE DU MASQUE SOCIAL

 “Il y a très, très longtemps, lorsque les êtres humains n’étaient pas incarnés dans leur corps physique comme ils le sont aujourd’hui, un homme (où était-ce une femme ?) avait fabriqué un masque merveilleux – un masque qui pouvait avoir plusieurs visages.

Cet homme avait l’habitude de mettre son masque et de s’amuser en accostant soudainement les passants et en observant leurs réactions. Parfois, le masque souriait, parfois il pleurait, parfois même, il grimaçait et se renfrognait.

Ses victimes étaient toujours choquées à la vue de ce visage tellement extraordinaire, étrange et si peu naturel – même lorsqu’il souriait. Mais que ces personnes rient ou pleurent était sans importance pour notre homme. Tout ce qu’il voulait, c’était l’excitation due à leurs réactions. Il savait bien que c’était lui derrière le masque. Il savait que le farceur, c’était lui – et que la farce était à leurs dépens.

Au début, il sortait avec le masque deux fois par jour. Puis, s’habituant à l’excitation que lui procurait cette activité, et en en voulant encore davantage, il commença à le porter toute la journée. Finalement, il n’éprouva plus le besoin de l’enlever et le garda pour dormir.
Durant des années, l’homme parcourut le pays en s’amusant derrière son masque.

Puis un jour, il s’éveilla avec une sensation qu’il n’avait jamais ressentie auparavant – il se sentait seul, divisé, quelque chose lui manquant. Bouleversé, il bondit hors de chez lui pour se trouver face à une très belle femme – et en tomba immédiatement amoureux. Mais la femme cria et s’enfuit, choquée par ce visage étrange et effrayant.

« Arrêtez-vous, ce n’est pas moi ! » cria-t-il en tordant son masque pour l’arracher. Mais c’était lui. Impossible de détacher le masque. Il était collé à sa peau. Il était devenu son visage.

Cet homme, avec son masque fabuleux, fut la première personne à entrer dans ce monde malheureux.
Le temps passa. Malgré sa ténacité et les efforts qu’il déploya pour annoncer à tous le désastre qu’il s’était infligé, personne n’était prêt à le croire. D’autant plus que personne n’était intéressé à l’écouter, puisque tout le monde l’avait imité. Tous avaient mis leur propre masque – afin de connaître eux aussi la nouvelle excitation de jouer à être ce qu’ils n’étaient pas. Comme lui, ils étaient tous devenus le masque.
Mais désormais quelque chose de pire était arrivé. Non seulement ils avaient oublié la farce et le farceur, mais aussi ils avaient oublié la façon de vivre joyeusement, en tant qu’être sans masque.”   

Extrait tiré de l’ouvrage de Barry Long : « Seule meurt la peur » Les Éditions du Relié

Cette allégorie exprime la détresse, après l’excitation, que ressentent celles et ceux qui se prennent pour les personnages qui constituent leur personnalité.

 DÉMASQUER L’IMPOSTURE DE LA PERSONNALITÉ

Le manteau rapiécé du bateleur est une image d’Epinal qui en dit long sur le vêtement que nous portons

Le mot personnalité vient du grec ancien « Per-sona » qui désignait les masques grecs, par lesquels passait le son pour être amplifié. Cela donne une idée de la fausseté de la personnalité, qui n’est qu’un masque social. Il en faut un probablement, mais le problème c’est qu’on s’identifie à lui au point de croire que nous sommes notre masque, ainsi que le suggère l’allégorie de Barry Long.

La personnalité est une agrégation de pièces rapportées, comme l’habit du “bateleur” (voir cette image du tarot des imagiers du moyen-âge). La symbolique du Tarot indique d’ailleurs que le Bateleur (la personne qui se lance dans la vie horizontale et sociale) a mis son stand à la foire et montre à voir une façade aux badauds. Comme un camelot, il se met en scène pour vendre… Il cherche à éblouir, à capter l’attention, à commencer par la sienne. Comme un cabotin, il s’écoute et s’admire lui-même, se prenant pour l’image que lui renvoient les autres.

Pourtant l’être qui est dans l’habit du bateleur n’est pas ce qu’il montre à voir, de même

que vous n’êtes pas votre personnalité. Votre personnalité n’est qu’un assemblage disparate et incohérent de pièces rapportées ça et là au gré des interprétations que vous vous êtes faites inconsciemment à partir des images que les autres vous ont renvoyées de vous-même…

Comme dans un jeu vidéo, où vous finiriez par vous prendre pour le personnage à l’écran, votre avatar, a une certaine antériorité dans cette vie, un caractère lié à sa trajectoire, des possessions, des personnes même dont il s’imagine qu’elles lui appartiennent  (ses parents, ses enfants, ses amis…). Mais tout cela est très flou, très peu consistant. Une simple pichenette dans le système et tout s’effondre comme un château de cartes ! Si vous voulez démasquer l’imposture, vous réaliserez que vous n’êtes pas ce personnage, cette personnalité qui ne tient qu’avec de grosses ficelles, pourtant précaires… Mais alors, qui êtes vous vraiment ?

Il vous appartient de vous laisser travailler de l’intérieur par cette question. Et il est possible, qu’il soit impossible d’y répondre avec des mots. En revanche, il vous est déjà arrivé d’en faire l’expérience. Il suffit juste de maintenir le cap, pour l’approfondir, de coaching en coaching…

Pour accéder à qui vous êtes vraiment, et passer par delà le masque social que vous contemplez vous-même, en vous prenant pour lui, il y a plusieurs approches amusantes :

  • l’une d’entre elles est de descendre dans vos sensations corporelles, là les pensées n’ont pas accès et votre personnalité est comme désinvestie au profit de votre champ de conscience pure et alerte
  • une autre consiste à vous mettre au spectacle de la beauté, sous toutes ses formes : régalez-vous d’un plat délicieux, admirez un paysage sublime, observez la délicatesse d’une fleur des champs, embrassez vos enfants, caressez votre chat, admirez une oeuvre d’art, écoutez une musique qui vous fait vibrer… Mais soyez ouvert à l’admiration qui émerge, sans la qualifier. Ne commentez rien, restez juste comme suspendu dans la contemplation. Mais quand je dis suspendu, je parle des pensées, pas de vous. Vous, au contraire, enracinez-vous dans la profondeur de l’expérience, toujours sans paroles intérieures
  • une autre, un peu plus subtile, consiste à se demander qui se demande “qui suis-je ?”. Ou bien encore, quand je regarde cet objet : qui regarde cet objet ? Ne vous contentez pas de dire “moi” (c’est-à-dire la restriction de vous-même, que vous prenez pour vous.Voyez clairement que “moi” n’est qu’une histoire personnelle, mais qu’une histoire ne peut être “vous”). Laissez-vous un peu “creuser” par cette interrogation, en essayant de retourner votre regard vers vous-même…Essayez d’écouter celui qui en vous écoute, quand vous écoutez. Cette présence qui précède le regard, c’est vous, justement…
  • une autre encore, pourrait consister à essayer de quitter qui vous êtes, à essayer d’être ailleurs que là où vous êtes, à tenter de quitter l’instant présent pour aller dans le passé ou le futur sans l’intermédiaire de la pensée. Vous voyez bien que c’est impossible. Vous êtes centré dans qui vous êtes ! En contact par l’intérieur avec qui vous êtes, comme on est adossé à sa chaise à l’arrière du corps, vous ne pouvez pas vous localiser, vous ne pouvez pas vous saisir mentalement, mais vous pouvez sentir depuis qui vous êtes.Vous laissez ainsi libre cours à l’épanouissement d’un vaste champ de conscience pure et alerte… Et si c’était cela que vous êtes vraiment ?

Un coah par exemple dans l’accompagnement de son client, sera invité à libérer  la fameuse “présence” en lui qui coache la personne, malgré ses tentatives de s’en occuper …..en délaissant ses projets à propos de son client et ses propres histoires à propos de qui il est en tant que coach ?                                                                                                     Et si vous laissiez vous faire cette présence (que vous êtes) Laissez-vous n’être que ce champ de conscience vaste, et laissez le coaching se dérouler à travers vous, sans y toucher, sans rien faire depuis la restriction de vous-même, cette foutue personnalité qui vous fait souffrir (et nous avec ! 🙂

DÉMASQUER L’IMPOSTURE EN COACHING

Parmi chaque personne qui se fait coacher, accompagner, aucune n’est un imposteur. C’est un être sincère qui cherche à s’en sortir, comme vous, comme “moi”. Mais il est victime d’une fascination, celle de ses personnages, pour lesquels il se prend.

La mission d’un coach, si il l’accepte sera d’exfiltrer son client de son cadre de référence qui l’empêche d’exprimer pleinement ce qu’il est.”

 Voici le brief : Il ou elle est très excité ou anxieux à propos de la réussite de son projet, de sa place au Comité de Direction, de la reconnaissance qu’il ou elle obtiendra de ses pairs et de son patron, etc… Et il ou elle voudrait bien que vous l’aidiez à réussir ceci ou cela… Où cela? Dans l’écran du jeu vidéo ! Il vous demande cela sérieusement, alors que vous avez devant vous un adulte, qui n’est en rien concerné profondément par ce qui se joue en surface à l’écran du jeu. Toutefois, vous “jouez le jeu” et accueillez la demande, telle qu’elle est proposée, afin d’entrer dans la danse. Après tout, qu’est-ce que vous risquez ? De vous découvrir ? Ce n’est pas si grave !

D’ailleurs, vous et moi, sommes pareils à ce/cette client/e, qui nous prenons sans cesse par ce qui se passe à l’extérieur. C’est à cause de cela que nous sommes malheureux, stressés, contrariés, fatigués, malades, etc…

C’est donc avec beaucoup de respect et de bienveillance que vous pratiquez votre métier de coach. Dans une perspective systémique, vous n’auriez jamais rencontré ce “frère humain” si vous ne pouviez pas quelque chose pour lui/elle, et si il/elle n’avait pas quelque chose d’utile à vous renvoyer sur votre propre chemin de libération. Démasquer l’imposture là où elle est (chez le client et chez vous) pour y voir clair et retrouver l’espace vital.

COMMENT CRÉER DE LA VALEUR POUR VOTRE CLIENT ?

  • Les problèmes du client viennent toujours de sa pensée (de son cadre de références qui est fait de deux sortes de pensées : les croyances et les valeurs. Les croyances sont des pensées auxquelles il croit, et les valeurs sont des concepts qu’il trouve importants)
  • Les solutions du client sont toujours au centre, jamais dans le problème. Au centre de quoi ? Au centre de son être profond  (et pas dans les histoires qu’il se raconte à travers sa personnalité) !

Tout travail de coaching consiste en conséquence à descendre dans sa propre profondeur, pour y rencontrer votre client aspiré vers son centre par la manière dont vous accueillez ce qu’il partage avec vous depuis votre centre

Autrement dit, vous-même, vous démasquez l’imposture de votre propre personnalité, pour accueillir votre vérité de l’instant, à chaque instant. Il faut que vous soyez vrai et authentique, pour engager une relation profonde et intime avec votre client, mais en étant attentif à rester à votre place. Il faut donc que vous trouviez bien cette place, la vôtre, dans la vie, dans le coaching et dans cette séance particulière à cet instant précis. Pour cela, vous devez être là, disponible, tranquille.

Des masques sont partout………il ne tient qu’à chacun des protagonistes d’un coaching d’être conscient sur leurs présences respectives ……..puis de les enlever pour se découvrir tels qu’ils sont ……….au plus près d’eux mêmes ; Dans la joie de l’être et de la relation……

« Les hommes se distinguent par ce qu’ils montrent et se rapprochent par ce qu’ils cachent… »                Paul Valéry